De la finance au bien-être : le quotidien transformé d’un thérapeute intégratif

7h30, quartier des Eaux-Vives, Genève. Marc Taillebois termine sa séance de méditation matinale sur la terrasse de son appartement, le regard porté vers le lac Léman qui scintille sous les premiers rayons du soleil. Il y a encore trois ans, à cette même heure, il était déjà dans le trafic, costume-cravate, direction la tour d’une grande banque. Aujourd’hui, cette vie lui semble appartenir à une autre époque.

L’éveil d’une nouvelle conscience professionnelle

La transformation de Marc illustre parfaitement la transformation de notre société : des personnes qui quittent leur travail à la recherche d’une profession qui a réellement du sens.

À 42 ans, ce père de famille a troqué les analyses financières contre les consultations thérapeutiques, les réunions à rallonge contre les séances d’accompagnement personnalisé.

« Mon réveil a été progressif« , confie-t-il en préparant son thé du matin, un rituel qu’il s’est imposé depuis sa reconversion.

« J’étais directeur adjoint dans le département gestion de patrimoine. Quinze ans à jongler entre les attentes des clients fortunés et les objectifs toujours plus ambitieux de la direction. Un jour, j’ai réalisé que je ne me reconnaissais plus dans le miroir.« 

Cette prise de conscience s’est cristallisée lors d’une période particulièrement stressante où Marc enchaînait les semaines de 60 heures. « J’avais développé des troubles du sommeil, de l’anxiété chronique. C’est en consultant un thérapeute que j’ai découvert ma voie.« 

Une journée type revisitée

Aujourd’hui, le rythme de Marc a radicalement changé. Sa journée débute sereinement par une routine de mieux vivre qu’il n’aurait jamais imaginée dans sa vie antérieure. Après sa méditation, il prend le temps de planifier sa journée, non plus en fonction de contraintes externes imposées par une hiérarchie, mais selon un équilibre qu’il a lui-même défini.

« Ma première consultation commence généralement vers 9h« , explique-t-il en se dirigeant vers son cabinet, situé dans un . « J’ai délibérément choisi de limiter mes rendez-vous à six par jour maximum. Dans la banque, j’enchaînais parfois douze réunions de suite.« 

Son approche thérapeutique intégrative combine plusieurs méthodes : psychothérapie humaniste, techniques de relaxation, coaching de vie et même éléments de sophrologie. « Chaque client est unique. Je puise dans différentes approches pour créer un accompagnement sur-mesure« , précise-t-il en préparant sa première séance.

L’art de l’écoute retrouvée

À 9h précises, Mme Bertrand pousse la porte du cabinet. Cette responsable de magasin traverse une période difficile, partagée entre burn-out professionnel et questionnements existentiels. L’ironie de la situation n’échappe pas à Marc : « Je l’accompagne aujourd’hui là où j’étais moi-même il y a quelques années.« 

La séance dure une heure et demie, un luxe impensable dans son ancienne vie où chaque minute était chronométrée et facturée. « Dans la finance, j’écoutais les clients pour identifier leurs besoins patrimoniaux. Ici, j’écoute vraiment, dans toute la profondeur du terme. C’est un exercice complètement différent qui mobilise d’autres compétences.« 

Cette capacité d’écoute, Marc l’a développée progressivement au cours de sa formation de thérapeute, un parcours de trois années qu’il a mené en parallèle de son activité bancaire. « Mes collègues pensaient que je devenais fou« , se souvient-il avec amusement. « Quitter un poste bien payé pour une reconversion incertaine, c’était perçu comme un luxe ou une crise de la quarantaine.« 

Les défis de la transition

Pourtant, le passage n’a pas été sans difficultés. La dimension financière représentait le défi le plus évident. « Mon salaire dans la banque était confortable. Les premiers mois en tant que thérapeute, j’ai dû réviser drastiquement mon train de vie.« 

La construction d’une clientèle a représenté un défi majeur. « Dans la banque, les clients étaient apportés par l’institution. Ici, j’ai dû apprendre à me faire connaître, à développer ma réputation. Les premiers mois ont été difficiles.« 

Marc a commencé par proposer ses services à tarif réduit, a multiplié les conférences dans des centres de bien-être, a développé sa présence sur les réseaux sociaux professionnels. « J’ai découvert l’entrepreneuriat à 40 ans passés. C’était effrayant et exaltant à la fois.« 

Une nouvelle relation au temps et à l’espace

L’un des changements les plus frappants concerne sa relation au temps. « Dans la finance, j’étais constamment dans l’urgence. Chaque email semblait prioritaire, chaque appel critique. Aujourd’hui, je prends le temps de la réflexion.« 

Entre deux consultations, Marc s’accorde une pause de vingt minutes. Il sort dans le parc attenant à son cabinet, observe les montagnes qui encerclent Genève, pratique quelques exercices de respiration. « Ces moments de transition sont essentiels. Ils me permettent de me recentrer avant d’accueillir le client suivant.« 

Son espace de travail reflète également cette nouvelle philosophie. Fini l’open space bruyant et les néons agressifs. Son cabinet est pensé comme un cocon : lumière tamisée, plantes vertes, couleurs apaisantes, diffuseur d’huiles essentielles. « L’environnement thérapeutique fait partie intégrante du processus de guérison« , explique-t-il.

L’après-midi : diversification et formation continue

L’après-midi de Marc est souvent consacrée à des activités qui enrichissent sa pratique. Ce jour-là, il anime un atelier de gestion du stress dans une entreprise. « C’est ironique« , sourit-il. « Je retourne parfois dans le monde de l’entreprise, mais cette fois pour aider les salariés à mieux vivre leur quotidien professionnel. »

Ces interventions en entreprise représentent une part importante de son activité. « Les DRH ont pris conscience que le bien-être des employés impacte directement la productivité. C’est un marché en pleine expansion« .

Marc consacre également du temps à sa formation continue. Deux après-midis par mois, il suit des séminaires, participe à des groupes de supervision avec d’autres thérapeutes. « Dans la banque, les formations étaient principalement techniques ou réglementaires. Ici, je me forme sur des aspects humains, psychologiques. C’est infiniment plus enrichissant personnellement.« 

Une vie de famille transformée

Le soir, quand Marc rentre chez lui vers 18h30, l’atmosphère familiale est différente. « Avant, j’arrivais épuisé, préoccupé par les dossiers en cours. Maintenant, je suis mentalement disponible pour ma famille.« 

Ses enfants, Emma, 16 ans, et Thomas, 13 ans, ont rapidement perçu le changement. « Papa est plus détendu« , témoigne Emma. « Avant, on avait l’impression qu’il pensait toujours au travail, même pendant les vacances. Maintenant, quand il est avec nous, il est vraiment avec nous.« 

Sophie, sa femme, enseignante dans un collège genevois, confirme cette transformation : « Marc a retrouvé une sérénité que je ne lui connaissais plus. Certes, nous avons moins de moyens financiers, mais nous avons gagné en qualité relationnelle.« 

Les week-ends réinventés

Les week-ends de Marc illustrent parfaitement cette nouvelle philosophie de vie. Terminées les matinées passées à consulter les emails professionnels ou à préparer les réunions du lundi. « Je me suis imposé une règle : pas de travail thérapeutique le week-end, sauf urgence absolue.« 

Ce samedi matin, Marc emmène ses enfants faire de la randonnée dans le Jura. « Dans ma vie d’avant, les activités familiales étaient souvent sacrifiées sur l’autel de l’urgence professionnelle. Aujourd’hui, je protège ces moments.« 

Cette reconnexion avec la nature fait également partie de sa démarche thérapeutique personnelle. « J’encourage mes clients à passer du temps dehors. Je ne peux leur recommander que ce que je pratique moi-même.« 

Les récompenses d’un changement de cap

Malgré les défis financiers et logistiques, Marc ne regrette pas sa reconversion. « Mon indicateur de réussite n’est plus le chiffre d’affaires ou les bonus, mais l’impact positif sur la vie de mes clients.« 

Il raconte avec émotion le suivi d’un jeune cadre qui traversait une dépression sévère : « L’accompagner vers la guérison, voir sa transformation progressive, c’est infiniment plus gratifiant que de réaliser une plus-value financière pour un client déjà fortuné.« 

Cette dimension humaine de son nouveau métier nourrit Marc au quotidien. « Chaque journée apporte son lot de découvertes sur la psyché humaine, sur les mécanismes de résilience. C’est passionnant intellectuellement.« 

Une inspiration pour d’autres reconversions

L’histoire de Marc inspire d’autres personnes tentées par une reconversion. Il reçoit régulièrement des appels de banquiers, vendeurs, ouvrier ou avocats qui s’interrogent sur leur avenir professionnel.

« Je leur dis toujours la même chose : la reconversion demande du courage, de la patience et une remise en question profonde. Mais si c’est fait pour les bonnes raisons, avec une vraie préparation, c’est une renaissance.« 

Marc a d’ailleurs créé un petit groupe de soutien informel réunissant des professionnels ayant quitté leur travail pour le secteur du bien-être. « Nous nous retrouvons une fois par mois pour partager nos expériences, nos difficultés, nos succès.« 

Vers un équilibre durable

Trois ans après sa reconversion, Marc a trouvé son rythme de croisière. Sa clientèle est stabilisée, ses revenus, bien qu’inférieurs à son ancien salaire, couvrent confortablement les besoins de la famille. « J’ai retrouvé un sentiment de cohérence entre mes valeurs personnelles et mon activité professionnelle.« 

Il envisage même d’élargir son champ d’action en proposant des retraites de bien-être dans les Alpes voisines. « J’aimerais combiner ma pratique thérapeutique avec des séjours ressourçants dans la nature.« 

Cette évolution illustre parfaitement l’état d’esprit qui caractérise désormais Marc : ne plus subir sa carrière, mais la construire en accord avec ses aspirations profondes.

En fin de journée, alors que les derniers rayons du soleil caressent les eaux du Léman, Marc referme son agenda avec satisfaction. Demain l’attend avec ses défis et ses découvertes, mais dans un cadre qu’il a choisi, façonné à son image.

« Si c’était à refaire ? » interroge-t-il en rangeant son bureau. « Je n’hésiterais pas une seconde. J’ai peut-être quitté la finance, mais j’ai trouvé une richesse bien plus précieuse : l’alignement avec moi-même.«